Façonner le château de demain

entre héritage du passé et appropriation patrimoniale

2021 – 2024

Sous la direction de M. Philippe Chareyre et de Mme Christel Venzal

Comment l’étude du passé d’un monument historique peut-elle l’aider à s’ancrer dans le présent ? Qu’est-ce qui prédispose des communautés à agir pour la conservation d’un patrimoine ?

Cette thèse porte sur la patrimonialisation des châteaux, plus précisément sur celle du château de Lavardens (Gers). L’enjeu est de saisir l’identité patrimoniale de ce site culturel : nous y avons observé les bénévoles, l’équipe de travail, les visiteurs, les habitants… qu’est-ce qui les anime ? Comment certains, dans la folie de la jeunesse, se sont-ils investis d’une tâche de transmission patrimoniale ? Une folie passagère ou des desseins ambitieux à corréler à la période charnière des années 1960 ? Comment un château, ouvert à tous vents et voué à l’oubli, est-il devenu un site patrimonial d’envergure ? Nous touchons au cœur d’une autre thématique : « l’appropriation ». Pas de celle que l’on associe à l’appropriation culturelle, sujet polémique en vogue, mais d’une notion tout à fait distincte : l’appropriation patrimoniale. Le concept d’appropriation patrimoniale est l’objet de ce travail et il figure comme le fil conducteur de nos questionnements liés à la patrimonialisation des monuments. Le nom est dérivé du verbe « s’approprier » qui se définit comme l’intention de quelqu’un de faire d’un objet ou d’un bien sa propriété, d’adapter quelque chose à une utilisation définie, c’est-à-dire de rendre propre à un usage ou à une destination. Pour y parvenir, cela inclut une mise en action stratégique menée par un ou plusieurs acteurs. Ce concept est central dans de nombreuses disciplines mais, quelques années auparavant, il était encore émergeant en géographie, sociologie et muséologie. Tout son intérêt est perceptible dans les études patrimoniales et cette partie interroge les différents moments où intervient l’appropriation dans la patrimonialisation d’un monument historique.

Écrire l’histoire du château de Lavardens c’est donc, dans une juste mesure, accorder la place à ceux qui « font » et « défont » que nous nommerons les faiseurs de château, et qui participent à la mise en place d’une patrimonialisation lente et progressive. Ce bilan n’a pas prétention à être exhaustif mais plutôt à montrer comment la construction de notre objet a été rendue possible par l’émergence de nouvelles problématiques croisant les concepts de politisation, de pouvoir et de territoire. Le questionnement sur le site et les acteurs, mots-clés de la discipline géographique, revêt une place centrale. L’usage d’une telle terminologie exige une définition et une clarification du sens premier, afin de l’appliquer au champ du patrimoine. Les « faiseurs de château » apparaît comme une nouvelle formulation, fortement influencée par le retour du sujet évoqué dans l’ensemble des sciences sociales et humaines et dans le contexte ambiant des classiques rapports homme/espace. Le château possède une dimension matérielle et symbolique, support de représentations et de différentes modalités d’appropriation. Nous remontons des origines du XIIe siècle et abordons toutes les périodes historiques pour retracer l’évolution architecturale et les traces laissées par les propriétaires qui se sont efforcés d’adapter le site et son environnement à leurs besoins et à leurs ambitions. Le bâti cristallise les mémoires et devient un témoignage visible des modes de vie et des pratiques. Par ailleurs, comprendre la pierre, palimpseste des décisions humaines, est un défi de taille : l’étude historique et archéologique nous aide à déterminer l’identité du lieu, à en déceler sa spécificité, ce qui donne envie à des individus de le préserver, et ce qui pousse d’autres personnes à vouloir se l’approprier.

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