Architecture de pouvoir après le Moyen Âge #1

Lieux de pouvoir en Gascogne après le Moyen Âge. « Lavardens : du château médiéval à la résidence de plaisance. »

Durant le 182ème Congrès archéologique de France, organisé par la Société Française d’Archéologie dans le Gers, je suis intervenue en présentant le château de Lavardens. La thématique de 2023 portait sur les Lieux de pouvoir  en Gascogne au XIIIe et XIVe siècles. J’ai pu aborder le château médiéval, tout en axant mon propos sur les changements survenus au XVIIe siècle, et la transformation de la forteresse militaire en résidence de plaisance. Cet article se propose de revenir sur ces explications. 

Sommaire

INTRODUCTION

Le château a été construit sur un éperon rocheux et se développe d’ouest en est. Sa forme générale est celle d’un parallélépipède composé d’un corps rectangulaire auquel sont dressées deux tours en trompe à l’extrémité ouest, tandis qu’un pavillon comportant un escalier est apposé au sud. Le second corps de bâtiment vient se greffer au premier et se compose d’un pavillon sud-est, une aile en retour d’équerre sur le logis principal rénové au XVIIe siècle. Au nord-est, nous percevons une aile ouverte sur une cour extérieure. À l’extrémité est, se trouvent les écuries : un corps de bâtiment en rez-de-chaussée lui aussi rectangulaire de plain-pied. Un toit à quatre pentes couvre l’ensemble de l’édifice. Des galeries extérieures servent de passage entre les trois balcons établis sur les arcades des trois façades du logis occidental, et se prolongeant sur la façade sud par des corbeaux qui les soutenaient. C’est dans les parties inférieures du massif occidental que l’on retrouve la forteresse d’origine, de même, les maçonneries du pavillon sud sont de la période médiévale.

Fig. 01 : Plan de l’emplacement des maçonneries médiévales et modernes du château de Lavardens. Ⓒ Elodie Rivière

Le château est actuellement composé d’éléments architecturaux hétéroclites, dont les plus anciens datent du XIVesiècle. À cette époque, Lavardens était une ancienne place forte appartenant aux comtes d’Armagnac. La majorité des éléments visibles aujourd’hui date du XVIIe siècle, et elle est le fruit d’une reconstruction portée par Antoine de Roquelaure à partir de 1608, et pour laquelle il engagea des architectes de renom : Pierre I Souffron et Pierre Levesville. Il quémanda à ses maîtres d’œuvres de moderniser le château médiéval en y conservant les bases et certaines maçonneries déjà en élévation, et d’y adjoindre des pavillons. Entre 1625 et 1652, un programme décoratif d’envergure fut commandité par le fils d’Antoine de Roquelaure, Gaston-Jean-Baptiste de Roquelaure. Nous conservons donc un ensemble de pavements aux motifs géométriques composés de pierre calcaire et de terres cuites, apposées dans les salles de l’étage noble. Le château connut plusieurs phases de reconstruction interrompues, avant de cesser totalement à partir de 1653, à la suite d’une épidémie de peste qui dévastait la région.

Durant le XVIIIe siècle, les propriétaires se succédèrent à de multiples reprises, et au XIXe siècle, le château fut vendu en douze parts à des familles du village. Ces dernières ne procédèrent pas à des travaux d’envergure, si ce n’est l’ajout d’escaliers pour faciliter le passage d’une salle à une autre ou la création de granges et d’appentis accolés au château. Néanmoins, c’est à cette période et jusqu’au milieu du XXe siècle, que l’état général du bâtiment se dégrada et que des éléments s’effondrèrent (notamment la toiture en 1923).

Il fallut attendre les années 50 pour que le château suscite l’intérêt, à la fois du public, des autorités mais aussi de la communauté scientifique. L’action du Club du Vieux Manoir [1] couplée à celle de bénévoles enthousiastes et déterminés permit d’engager des travaux de défrichement et d’entretien. En 1961, l’édifice fut classé au titre des Monuments historiques ; puis, quelques années plus tard, l’Association de sauvegarde procéda aux premiers travaux de restauration. Aujourd’hui, le site est toujours géré par une association et l’endroit est un centre d’art où de multiples expositions [2] et animations sont organisées chaque année.

L’association, comme tout site culturel, est confronté aux nombreuses problématiques patrimoniales, notamment le financement des chantiers de restauration. Les recherches historiques et archéologiques constituent des références scientifiques d’une importance capitale pour légitimer le mécénat. La difficulté de cette recherche réside dans la quasi-absence des sources graphiques et bibliographique. Certains événements restent confus et très peu d’ouvrages s’attachent à décrire plus précisément son passé. Comment expliquer ce silence historiographique ? Est-ce parce que le château ne jouait qu’un rôle secondaire au sein du temporel des maisons qui l’ont possédé ? Bien que les érudits locaux aient fait part d’un intérêt superficiel pour le château, nous pouvons quand même citer les notices de P.-V. Steux, J.-H. Ducos, H. Polge, P. Lauzun ou L. Astuguevielle écrites au XXe siècle. Même s’il est regrettable que ces contributions anciennes ne respectent pas les normes scientifiques actuelles (absence de bibliographie ou de références, sources non-citées ou analyses erronées), il n’en reste qu’elles ont le mérite d’exister et de répondre aux préoccupations de leur époque. À la suite de la lecture des sources archivistiques, il est évident que les mentions de Lavardens ne manquent pas et sont relativement nombreuses. Toutefois, son histoire se résume principalement à ces mentions succinctes : peu de détails sont exploitables et font actes de décisions qui relèvent d’abord et principalement des élites gasconnes. En revanche, ces maisons régnantes ont suscité des contributions scientifiques prolifiques [3] et les recherches commencent à travers l’étude des familles ayant possédé le château depuis le XIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle [4].

Dans une publication de la Société archéologique du Gers, Philibert Vincent Steux disait à son sujet :

« À mon sens, en effet, Lavardens vaut beaucoup mieux que sa réputation relativement récente […] c’est avant tout un haut-lieu de l’architecture française – non seulement par la diversité des styles qui le composent – mais par ce fait, unique en son genre, me semble-t-il, qu’on peut y retrouver les traces d’une évolution quasi complète » [5]

Cette présentation se compose de deux discours, le premier étant centré sur les vestiges médiévaux et l’histoire du château au XIIIe et XIVe siècle. Nous nous demanderons quel rôle et quelles fonctions détenait le château, et quels sont les vestiges qui témoignent du pouvoir comtal. Le second discours aborde la reconstruction par Antoine de Roquelaure à partir de 1608. Enfin, nous évoquerons comment Pierre I Souffron et Pierre Levesville, les architectes du XVIIe siècle, ont intégré les éléments médiévaux dans leur projet de modernisation.

Lavardens : du château médiéval...

Un château est mentionné pour la première fois en 1140 dans le Cartulaire noir de la cathédrale Sainte-Marie d’Auch [6]. Nous ne disposons pas d’information plus complète, si ce n’est le nom du propriétaire d’alors, Géraud de l’Isle-Arbéchan. Une charte de 1254 mentionne la villa de Lavardinga, nom qui plaide pour une fondation à l’époque franque entre le VIe et le XIe siècle [7]. Le château rentre dans le domaine des Armagnacs au XIIIe siècle [8] et figure dans la longue liste de leurs possessions jusqu’en 1496. Vers 1310, le comte Bernard VI octroie des coutumes à Lavardens et c’est probablement antérieurement à cette période, que le castelnau se dote d’une enceinte fortifiée [9].

Par la suite, Lavardens est mentionné de nombreuses fois dans les archives privées des Armagnac et notamment dans leurs registres de comptabilité dressés par les intendants successifs. Parmi les archivistes les mieux connus nous citerons Bertrand Barrière, Pierre Malamosca, Hugues et Pierre Esclabissac. Au XVIe siècle, les archives comtales ont fait l’objet d’un inventaire rédigé par Bonal, sous ordre de Marguerite d’Angoulême. Certaines archives ont été conservées puis successivement déplacées, ce qui est le cas de celles de Lavardens.

Naissance du bourg castral

Fig. 02 : Plan cadastral de Lavardens, section D dite de la Ville, échelle 1/1250 ; 46 x 59 cm, géomètre Lacroix, 1827, conservé aux Archives départementales du Gers.

C’est autour du château que se regroupent d’ouest en est et au-delà d’une place publique exiguë et de son puits, l’église et les habitations du bourg. Leur alignement ménage deux axes longitudinaux de circulation : la carrière principale au sud et une voie secondaire au nord, recoupés par des carrelots. Les jardins étaient rejetés hors les murs. D’après le diagnostic patrimonial [10] établi par Anaïs Comet qui s’appuie sur le plan cadastral de 1827, le village se serait développé en deux phases. Premièrement, la partie nord du château, englobant l’église et les maisons implantées le long de la rue à l’est de l’église. Ensuite une deuxième rangée de maisons au sud de l’actuelle rue principale. La première phase correspond probablement au village mentionné en 1254 [11]. L’extension aurait pu intervenir au cours de la seconde moitié du XIIIe siècle [12]. L’enceinte est ensuite bâtie à la limite des XIIIe et XIVe siècles et vient cristalliser l’extension maximale du village pour les siècles suivants. L’enceinte englobant le village était percée de deux portes, une à l’extrémité orientale de la rue principale et l’autre au sud d’une rue menant au château [13]. La fortification était bâtie en moyen appareil de calcaire. En faisant des sondages ou même une prospection pédestre, nous pourrions sans doute mettre à jour les traces du rempart primitif [14]. L’enceinte tardive était flanquée de tours dont trois sont encore visibles au sud, à l’ouest et au nord du village. Une enquête sur les places fortes de Gascogne de 1626 [15] mentionne les « murailles » de Lavardens et le nom des tours angulaires nous est parvenu : la tour de Veille au Nord, de Jèze au Sud-Ouest, de Palomette au Nord-Est et de Bayonne au Sud-Est [16]. La tour de Bayonne reste la mieux conservée et s’élève encore à 15 m de haut. La seule défense active de ces deux tours (Bayonne et Palomette) à avoir survécu tient à la fente verticale d’archères en très petit nombre. Des portes complétaient cette enceinte urbaine : porte de Paris à l’extrémité Est de la grande « carrière », porte de Bayonne au Sud-Est [17].

Capitale militaire des comtes d’Armagnac, le site est attaqué à plusieurs reprises, mais l’enceinte est considérée comme redoutable : beaucoup se retrouvent démunis en se demandant comment assiéger la place. À la fin du XVe siècle, pour mettre un terme à la puissance des Armagnac, le roi Charles VIII s’empresse d’envoyer en Gascogne d’abord Jean de Châteaudreux, puis Jean comte d’Astarac, avec mission d’imposer à nouveau leur autorité sur le domaine armagnacais. D’Astarac et Châteaudreux se dirigent sur Lavardens [18], les deux commissaires du roi y mettent le siège avec cinq ou six mille hommes. Malheureusement, le sire d’Albert, leur allié, qui avait promis quatre ou cinq pièces d’artillerie, ne parvient pas à leur prêter main forte. Les murailles étant trop imposantes pour qu’un assaut ait chance de réussir, ils sont contraints de renoncer à prendre leur revanche et ils repartent. Charles Samaran [19] rapporte aussi qu’il fallut un nouveau siège, en 1496 pour s’emparer de la place, démanteler l’enceinte, abattre les fortifications et le château. La ville « fut rasée » [20].

Fonctions plurielles de la résidence de pouvoir : donjon, forteresse, résidence comtale

Des zones d’ombres subsistent quant au rôle qu’aurait joué Lavardens dans les nombreux conflits opposant les Armagnacs à leurs ennemis, et par le manque de mentions complètes et descriptives, nous sommes bien en peine d’affirmer les fonctions réelles d’un tel site castral. Retenons avant tout qu’il aurait été étonnant que ce dernier ne possède qu’une seule et unique fonction cantonnée à la défense. Nous proposerons ici d’autres destinations possibles du château, ainsi que les fonctions attribuées aux bâtiments.

Les critères topographiques sont ceux qui nous paraissent les plus lisibles dans l’espace. Lavardens se développe sur un piton rocheux en haut d’une colline. Un château perché en hauteur, n’est pas une nouveauté dans une région où l’on privilégiait la fondation d’agglomération en élévation pour des raisons de surveillance et de défense [21]. De plus, situé dans la moitié orientale du comté de Fezensac, Lavardens se trouve à mi-distance de deux villes importantes : Auch et Vic. Après 1343 et la réunion de la vicomté de Lomagne aux possessions des comtes d’Armagnac et de Fezensac – Lavardens occupe le triangle dont Auch et Vic constituent les sommets avec Lectoure, première ville de Lomagne devenue la résidence comtale privilégiée. Situation d’autant plus stratégique que la présence récurrente d’eau représente un avantage de plus et pourrait être associée au nom du village. Les érudits ayant étudié la toponymie associent « Lavard » à une locution latine « lavatrinis » qui, au pluriel, signifie « aux lavoirs » ou bien au verbe latin « lavar », laver en français [22]

Fig. 03 : Représentation des fiançailles de Bonne d'Armagnac avec Charles Ier d'Orléans, neveu de Charles VI, le 18 avril 1410. Les deux fiancés s'échangent les anneaux devant témoins. Les frères de Limbourg, (Herman, Paul et Jean), Les Très Riches Heures du duc de Berry, folio 4, verso : avril, entre 1412 et 1416, enluminure sur vélin, 22,5 X 15,6 cm. Musée Condé Chantilly.

Considéré comme une résidence militaire d’ampleur, le village de Lavardens, rangé auprès des castelnaux [23], était ceinturé d’une imposante enceinte comme nous l’avons vu précédemment. Le château est choisi pour conclure des alliances, notamment entre Jean Ier et le comte d’Albret Arnaud-Amanieu en 1372. De même que de nombreux Armagnac y naissent ou y meurent, comme Bonne d’Armagnac née en 1395 ou Odile de Goth décédée en 1325. Catherine de Foix Candale, épouse de Charles Ier d’Armagnac, réside à Lavardens pendant de nombreuses années comme en témoigne les lettres que le comte lui écrit, l’enjoignant à quitter le château pour qu’elle le retrouve à celui de Tournon [24]. Le château abrite également leur chartier puisqu’en 1373, l’ordre fut fait de « porter à Lavardens les archives de Monseigneur d’Armignac ». Un inventaire des ornements du château en 1372 mentionne que les Armagnacs disposent d’une chapelle. Le nombre d’édifices religieux est conséquent pour un village comme celui-là, ce qui peut montrer que la population n’était pas entièrement réunie dans le bourg médiéval. Benoît Cursente [25] affirme qu’en règle générale, les églises des castelnaux sont situées en contrebas du château. On peut donc considérer comme privilégiées celles qui se trouvent au pied même de la motte ou de la forteresse, à l’endroit où s’articulent bourg et château.

La fonction carcérale et militaire du château est attestée en 1402 par l’emprisonnement du comte Géraud de Pardiac et de ses fils par Bernard VII, mais aussi par les nombreuses désignations des capitaines chargés de maintenir l’ordre et de garder la forteresse en l’absence des comtes d’Armagnac.

Lavardens possède en son sein, des éléments du site castral aux fonctions multiples, à la fois défensive, résidentielle ou carcérale, qui ont participé à établir et à diffuser le pouvoir comtal. Il était un témoignage de la puissance de la maison d’Armagnac et figure parmi les lieux de pouvoir emblématique de la Gascogne gersoise au XIIIe et XIVesiècle.

Les vestiges médiévaux

La présence attestée de maçonneries médiévales à des endroits précis du site nous permet d’émettre l’hypothèse de disposition suivante : le château du XIVe siècle était constitué de deux corps de logis distincts. D’une part, le massif occidental, d’autre part, le massif oriental qui était probablement le logis seigneurial réservé à la famille comtale.

Fig. 04 : Plans comparés du donjon de Lavardens 1. Lavardens (Relevé G. Séraphin). 2. Vincennes (d'après Viollet-Le-Duc). En noir, maçonneries médiévales. En hachures, reprises du XVIIe siècle.

Gilles Séraphin [26] identifie le massif occidental comme étant le noyau du château primitif avec une assise de 17 à 18 m de côté, aux murs épais d’1,85 m, épaulés par sept contreforts. En raison des dimensions, du plan de masse, de l’épaisseur des murs, de la saillie et de la disposition des contreforts, il propose une filiation avec des ouvrages plus modernes. Gilles Séraphin établit une étude comparative de la base du donjon de Lavardens avec la tour Saint-Laurent du palais des Papes (1353-1358), la tour de Saint-Sauveur-le-Vicomte (deuxième moitié du XIVe siècle) et les tours de la grande enceinte du château royal de Vincennes (1364-1370). Comme à Lavardens et pour les tours de Saint-Sauveur-le-Vicomte et de Vincennes, on retrouve dans ces ouvrages des contreforts saillants de forme carrée et dégageant les angles. Les fonctions résidentielles de ces tours sont attestées, ce qui n’est pas le cas de celle de Lavardens dont les vestiges restent insuffisants pour en restituer les dispositions originelles.

 

Cependant, si l’on considère que l’édification du donjon de Lavardens pourrait être contemporaine à celle de la tour Saint-Laurent d’Avignon, de l’enceinte de Vincennes ou encore du donjon de Bassoues, il convient alors de l’attribuer à Jean Ier, avant 1373, date de sa mort à Beaumont-de-Lomagne, ou à Jean II, avant 1385, date de sa mort en Avignon.

Le pavillon sud-est est une construction où l’on relève un appareil médiéval, ainsi qu’un fenestrage à large ébrasement extérieur et une baie géminée, – élément que l’on retrouve dans de nombreux châteaux gascons et qui marque l’emplacement des parties habitables. Considérée à tort pendant longtemps comme une chapelle, les vestiges suggèrent plutôt l’emplacement de l’habitation principale dévolue au comte d’Armagnac et à sa famille.

La façade nord du château comporte aussi une élévation où apparaissent plusieurs assises de l’appareil ancien, étudiées par une intervention archéologique menée en août 1996 [27]. Elle consistait à suivre le creusement d’une tranchée dans le cadre des travaux de consolidation de la façade nord.

Depuis décembre 2022, des relevés et des observations archéologiques sont menés dans le cadre des travaux de restauration de l’aile nord-est. Les archéologues ont mis au jour un mur dans le sol de l’aile nord est. Pour l’instant, nous ne pouvons dater avec précision la maçonnerie, mais elle serait postérieure aux travaux du XVIIe siècle.

            Malgré l’identification de ces éléments architecturaux dispersés dans l’espace et par le manque de connexion entre ces derniers, il est difficile de leur attribuer des fonctions ou destination précises ou de dresser un plan d’ensemble du château médiéval. Pourtant, il est certain que les vestiges témoignent d’une architecture de pouvoir. Au XVe siècle, les comtes d’Armagnac rentrèrent en conflit avec les rois de France. Charles Ier d’Armagnac, dernier de la lignée, passa le reste de sa vie sous tutelle ou en prisons, puis s’éteignit en 1497 à Castelnau de Montmirail, en résidence surveillée [28]. Les terres d’Armagnac passèrent dans les mains de Charles IV d’Alençon, héritier des Armagnacs. En 1509, François Iermaria sa sœur Marguerite d’Angoulême à Charles IV d’Alençon. Devenue veuve, elle hérita à son tour des terres, qu’elle transmit en secondes noces à Henri II d’Albret. Les Albret devinrent donc seigneurs d’Armagnac. En 1585, Henri III de Navarre, futur Henri IV de France, offrit une partie de ce territoire, dont Lavardens, à son compagnon de toujours, Antoine de Roquelaure [29].

Notes & références

[1] Créée en 1952 par Maurice Duton, cette association œuvre pour la restauration et la valorisation du patrimoine. Elle fait participer des jeunes à de nombreux chantiers à travers la France.

[2] Parmi les plus connues, nous citerons l’exposition Camille Claudel en 2000 et 2008, ou l’exposition Dali en 2004.

[3] Nous pensons notamment à la maison d’Armagnac, longuement étudiée par C. Samaran, J.F. Bladé, P. Durrieu, P. Laplagne-Barris, J.-F. Samazeuilh, et, plus récemment, E. Johans et G. Ferrand. La thèse de D. Barrois consacrée à Jean Ier d’Armagnac a été très instructive.

[4] Dans l’ordre chronologique, nous pensons aux : Armagnac, Batarnay, Albret, Roquelaure, Mirabeau, Rohan-Chabaud, Laclaverie de Soupex, Pins…

[5] STEUX, P.-V., Lavardens, village, château, commune, Société archéologique du Gers, 1960, p.01.

[6] LACAVE-LAPLAGNE-BARRIS, C., Cartulaire noir du chapitre métropolitain de Sainte Marie d’Auch, Société historique de Gascogne, Paris-Auch, 1899, chartes n° 92 (1140) et n° 113 (1180).

[7] La finale « ens » est la version gasconne de la finale germanique ingus, restituée par le latin. Il est d’ailleurs intéressant de relever la présence de vestiges d’une villa gallo-romaine repérée au nord-ouest de Lavardens, au lieu-dit Lart. In : LAPART, J., PETIT, C. (dir.), Carte archéologique de la Gaule, Le Gers, Académie des Inscriptions et Belles lettres, ministère de la Culture, Paris, 1993, p. 189.

[8] Par succession, la forteresse devient propriété des comtes d’Armagnac et ainsi forteresse royale, tantôt sous souveraineté française, tantôt anglaise.

[9] CURSENTE, B., Les castelnaux de la Gascogne médiévale, Gascogne gersoise, Éditions du CNRS, Bordeaux, 1980, p. 137.

[10] COMET, A., Diagnostic patrimonial Lavardens, Inventaire général Région Occitanie, Pays d’art et d’histoire du Grand Auch, 2020.

[11] MICHEL, F., Rôles Gascons : 1242-1254, tome I, Paris, Imprimerie Nationale, 1885 (n°4065, 4279 et 4300).

[12] COMET, A., Villages et bourgs de la Gascogne gersoise à la fin du Moyen Âge (1250-1550), Transformations morphologiques et architecturales, thèse de doctorat sous la direction de Jean-Loup Abbé et Nelly Pousthomis-Dalle, Université Toulouse Jean Jaurès, 2017.

[13] Plusieurs pans de mur de l’enceinte sont conservés, notamment au sud et au nord. Les traces de l’ancienne tour-porte sont identifiables au sud-ouest du village.

[14] Nous ne savons pas s’il ceinturait le château ou si ce dernier était intégré au rempart. 

[15] Cette enquête fut réalisée par Jean de Chastenet, seigneur de Puységur et vice-sénéchal d’Armagnac. In : CARSALADE DU PONT, J., « Les places fortes de Gascogne en 1626-1627 », In : Revue de Gascogne, tome 40, Auch, 1899.

[16] Les deux premières sont aujourd’hui détruite pour l’une et isolée pour l’autre, tandis que les deux dernières adhèrent encore à des vestiges du mur d’enceinte qu’elles flanquaient.

[17] L’unique information dont on dispose ne concerne que leur menuiserie. Elle nous est fournie par un mandement du comte Jean IV d’Armagnac, du 20 janvier 1427, au receveur de Lavardens, d’autoriser les consuls à abattre quatre chênes pour fabriquer les portes.

[18] En chemin, Châteaudreux est surpris à Jegun, village voisin, par le bâtard du comte d’Armagnac, qui donne l’assaut à la ville. On dresse des barricades en toute hâte, et toute la nuit, « sans dormir goutte », on se défend par les trous des murs et des fenêtres avec, en guise d’armes, des broches rougies au feu.

[19] SAMARAN, C., La maison d’Armagnac au XVe siècle et les dernières luttes de la féodalité dans le Midi de la France, Paris, Librairie Picard, 1907.

[20] Arch. Nat., J 860, n°1.

[21] DUCOS, J.H., Le château de Lavardens, Centre de castellologie de l’abbaye de Flaran, non-daté, p.03.

[22] PHILIPON, E., Suffixes romans d’origine pré-latine, Romania, tome 43, n°169, 1914, p.29-58.

[23] CURSENTE, B., op. cit., 1980.

[24] SAMARAN, C., « Quatre lettres inédites de Charles, dernier comte d’Armagnac », In : Bulletin de la Société archéologique du Gers, Auch, 1901.

[25] CURSENTE, B., op. cit., 1980.

[26] SCELLÈS, M., « Bulletin de l’année académique 1995-1996 » (séance du 21 novembre 1995, propos de Gilles Séraphin), In : Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, tome LVI, Toulouse, 1996, p.285-287.

[27] CAMPECH, S., Château de Lavardens, document final de synthèse de sauvetage archéologique, HADES et SRA, 1997.

[28] COURROUX, P., « Charles d’Armagnac (1425-1497) : d’une prison à une autre », In : CHARAGEAT, M., LUSSET, E., et VIVAS, M. (dir.), Les espaces carcéraux au Moyen Âge, Pessac, Ausonius éditions, 2021, p. 101-114.

[29] Arch. dép. du Gers, I 3045, Fonds Roquelaure, Copie du certificat de donation des terres de Lavardens par le roi Henri IV à Antoine de Roquelaure.

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